Édition n°1150 Mercredi 1er octobre 2008 Chronique d'un mercredi sur deux Youpi c'est mercredi Aujourd'hui c'est mercredi. Alors, nous allons parler d'Hadopi. Cela faisait longtemps. Enfin, bon, d'accord, pas tant que ça, mais bon, il y a des sujets qui valent la peine d'insister quelque peu. Et puis, il y a eu un certain nombre d'actualités récentes sur le sujet, certes déjà évoquées en nos pages, mais qu'il peut être intéressant de récapituler. D'abord, quel est le problème que la partie de ce projet de loi qui fait couler tant d'encre prétend adresser ? Oui, je vois que beaucoup de mains se lèvent dans l'assemblée virtuelle de mes adorés lectrices et lecteurs, le téléchargement illégal, ou, du moins, une partie émergée de l'iceberg, celui effectué via les réseaux de partage, essentiellement. Ensuite, quelle est la solution proposée par le projet de loi ? Je vois encore des mains levées, l'écoute des communications électroniques des internautes. Et la création d'une instance, hors du système judiciaire, qui serait à même de sanctionner les supposés contrevenants. [Je passe sur la question des sanctions proposées, parce que ce point déclenche chez certain des cris d'orfraies, sans que ces derniers soient a priori fondés. Après tout, des sanctions qui pénalisent de fait l'ensemble des membres d'un foyer, cela existe déjà, et cela ne semble pas émouvoir autre mesure les personnes évoquées plus haut.] Ça pose quels problèmes, cette « solution » proposée ? Plusieurs, fondamentaux, en fait : Le premier de ces problèmes, c'est le sacrifice du respect de la vie privée des internautes au bénéfice des intérêts privés d'une très petite minorité. Le second, c'est la déjudiciarisation de la sanction, c'est à dire le transfert à une autorité administrative (et non plus judiciaire) de la capacité à prononcer une sanction (ici en l'occurrence la suspension de l'accès à internet). En d'autres termes, pour réemployer une image qui peut choquer (mais la proposition est choquante, c'est donc hélas proportionné), une personne supposée pédophile bénéficie de plus de respect de sa vie privée et de protection qu'une personne soupçonnée de téléchargement illégal. Ça fait un peu drôle, comme ordre des priorités, de la part des personnes qui prônent ce dispositif... Nous l'évoquions la semaine dernière, un amendement voté par le parlement européen tend à proscrire la possibilité d'une déjudiciarisation de la sanction. C'est une bonne chose (à supposer bien sûr que cet amendement ne soit pas remis en cause, ce qui est possible), mais cela ne réglerait qu'un des problèmes fondamentaux posés par le projet de loi. C'est essentiel, mais ce n'est hélas pas suffisant. Sans compter que d'autres problèmes existent dans le projet. Pas aussi fondamentaux, mais loin d'être négligeables. D'abord, son coût. Forcément reporté sur nous (les citoyens, les gens, vous et moi, donc). Et pas forcément par contre négligeable. Parce que si les FAI doivent directement ou indirectement financer ce dispositif proposé, ce seront nous les abonnés qui in fine payerons. Ensuite, la mise en place d'un système avec deux poids et deux mesures. Car en fait la suspension ne concernerait que les particuliers, et pas les professionnels. Pourquoi et sur quelles bases, mystère. Bref, plein de points qui posent problème, et qui ne sont pas sans inquiéter. .../... Pour un dommage dont l'étendue, indéniablement réelle, n'est pas mesurée d'une manière fiable. (Non, supposer que chaque téléchargement ou écoute d'une oeuvre correspond à un manque à gagner équivalant au prix public de chaque oeuvre téléchargée ou écoutée n'est pas une mesure pertinente.) Bref, en plus des points évoqués plus haut se posent les questions de la pertinence et de la proportionnalité des sanctions pressenties. Alors, que faire, que proposer d'autre ? Certains soutiennent l'idée d'une licence « globale ». L'idée n'est pas nouvelle, elle était déjà évoquée du temps de la loi DADVSI d'il n'y a pas si longtemps, et même avant. Mais elle aussi n'est pas sans contenir des points qui posent problème. D'abord, sa formulation est des plus vague. Par exemple, quelles seraient les oeuvres couvertes par cette licence ? Pressés sur cette question, les défenseurs de cette « solution » avaient lâché lors des discussions autour de la loi DADVSI les oeuvres datant d'au moins quatre ou cinq ans. Autrement dit, pas la majorité des oeuvres téléchargées illégalement par les 30 et quelques pourcents d'internautes qui ont en notre belle contrée ce genre de pratiques. Bref, pas vraiment une solution au problème. Et cela ne s'améliore pas quand on regarde le type des oeuvres couvertes, en l'occurrence les oeuvres musicales et, éventuellement, audiovisuelles. Bref, là encore, pas vraiment une solution au problème, vu que les téléchargements illégaux ne se cantonnent pas à ces domaines (cf. par exemple la bande dessinée, les livres d'une manière plus générale, la presse et in fine tout ce qui peut être numérisé). Se pose également la question du coût. « Quelques » euros par mois, avec une définition fort libérale du « quelques », ce n'est pas pour rassurer. Et ces propositions ne concernaient que le coût de la licence pour l'usage limité visé plus haut.. . En gros l'équivalent du montant de la redevance télé, pour mettre les choses en perspectives. Se pose également la question des abonnements multiples. Parce que, même si c'est aujourd'hui encore un usage anecdotique, la téléphonie mobile 3G progresse. Et si dans un foyer on se retrouve à devoir payer trois ou quatre fois ladite licence « globale », ça va devenir, euh, intéressant, pour les foyers les plus modestes, par exemple. Se pose enfin la question du payement de la licence pour celles et ceux, rappelons-le la grande majorité, qui ne pratiquent pas le téléchargement illégal. 10 euros en plus sur la facture par mois, c'est plus de 30 % d'augmentation. Pour rien. Bref, cette proposition ne règle de fait rien, et ne semble in fine qu'alourdir la facture des abonnés. Sans que les artistes (dans leur majorité) soient mieux rémunérés, non plus. Ça fait deux propositions qui ne semblent pas appropriées. D'où une possible interrogation sur l'existence d'une solution qui conviendrait. Oh chic, je vois encore quelques mains qui se lèvent, enfin, chez celles et ceux qui ne se sont pas encore endormis :) : Oui, donc, une offre légale, large et attractive. C'est fou ce que cette voie semble difficile à prendre. À bientôt, Martin Vous êtes bien sur internet, mais comme notre adoré rédacteur en chef en titre se repose (juste pour une semaine, il revient lundi, ne pleurez pas :) ), ben, les liens ne sont pas forcément directement utilisables dans la version PDF. Il faut faire du couper/coller si votre logiciel ne les reconnaît pas.